15 jours passés au Faï en juillet et une montagne d’artistes découverts, je repars en quête en cette terre fertile : les nouveaux talents seront-ils à la hauteur ?
Après 5h de route, un passage prolongé chez les dromadaires et une visite d’exposition où les effets de reflet et la distance imposés par la porte définitivement fermée aux visiteurs en ce vendredi après-midi 15h34 donnèrent un éclairage original à l’œuvre de Jérôme Piguet…me voilà, telle Hannibal, franchissant victorieusement la frontière des départements drômois et haut-alpins à la conquête des éléphants du Faï…enfin, de ses trompes !
Dépaysement éternel garanti : lorsque j’arrive les résidences artistiques et chantiers du mois de juillet ont été remplacées par « quelques » autres chantiers. Les rythmes reggae de Djiwan balancent déjà dans l’air encore vibrant de chaleur de la fin d’après-midi (34° à Die) et comme d’habitude, ça brasse en langues d’ici (le franglais) et surtout d’ailleurs. Entre jus d’orange (français) et sirop de pomme de pins (estonien), on patiente comme il se doit.
Eh bien oui, ce 17 août au soir c’est la fête: après Festifai et la fête du Saix on a un peu envie de dire que c’est un état permanent par ici ! « La Montagne qui chante » a lieu tous les ans à cette date précise depuis bien une quinzaine d’années maintenant. Le principe, comme l’indique le nom du festival arborant l’affiche colorée qui m’accueille, est de « faire chanter la montagne ». Budget à la culture réduit oblige, on n’emploie plus de chanteurs, on exploite les éléments ! Trêve de plaisanterie, le Faï abrite en réalité un trésor insoupçonnable et plutôt intriguant…
En 1991, jaillit l’idée d’utiliser « l’orgue naturel » de la paroi rocheuse du Faï en développant un système acoustique qui permettrait de projeter des sons et la transformant ainsi en caisse de résonance. Les premières expériences utilisent des enceintes habituelles, mais assez faibles en puissance pour un « orgue » de cette taille-là ! Très vite la recherche d’une puissance plus importante mais aussi la constatation que la direction du son est une donnée à ne pas négliger dans la qualité de l’écho va mener grâce à l’imagination (et aux plans) d’un ingénieur du son Michel Stievenart, à la création d’un système acoustique géant : les trompes ! Nous sommes alors en 1994. Ce sont les trompes des aigues et des médiums – celles qui demeurent souvent cachées aux yeux du public car demandant une protection du fait de leur construction en bois- qui voient le jour à cette période. En 1997 enfin, la trompe des graves surgit de terre : une immense structure en métal et béton voilé dont la construction est réalisée de concert par Jacques Chataîgnier et les habitants du Faï, des participants à un chantier international qui entreprirent ce chantier gigantesque (non sans quelques péripéties évidemment !). Une régie a été également installée, gérant le transfert de la musique live ou enregistrée vers les trompes en la divisant en trois fréquences, grave, médium, aigüe correspondant aux trois systèmes de projection. Pour saisir tous les effets sonores de l’orgue naturel, (au moins) trois endroits stratégiques existent, dont les gradins de la scène du Faï où se dirigent la plupart des spectateurs de ce soir, l’endroit alliant confort des fesses au confort d’écoute…
« -what are you expecting ?
-I think I expect some vibrations, some good experience.”
Enfin les étoiles nous transpercent. Le pastis a la couleur de la voie lactée. Les sons élongés d’Insiden, trois jeunes gens composant ce groupe de musique « d’ambiance » grenoblois s’engouffrent entre l’eau du Buëch, les odeurs d’herbe, et le vent léger qui ponctue les silences musicaux. On tâtonne dans le noir, entre les corps noyés dans le ciel pour seul éclairage afin de nous installer au « spot » qui nous fera le plus vibrer. Et là, quelle cantatrice cette paroi face à nous ! (on lui pardonne du coup de nous dissimuler quelques étoiles filantes) Le ciel entier nous tombe dessus sous les flux liquides du son qui se propage insidieusement en nos entrailles…
« après ça, on est complètement détendu »
Après la détente, c’est reparti pour des rythmiques trépidantes ! La soirée s’achève ou plutôt continue avec le concert de Djimdan. Leur énergie communicative fait danser des regards d’enfants dans la lumière rouge de la scène. Il fait un peu frais dans l’air troué d’étoiles, mais il fait chaud près de la scène où des bolas qui n’étaient pas prévues au programme viennent soudainement endiabler les tam-tams.
Bref, au Faï, ça trompe énormèment !
[La partie historique des trompes doit beaucoup au mémoire de Jacques Pierre. Photos de René et de moi-même. Remerciements à tous mes pourvoyeurs d’informations et mes hommages à Lady Gaga (la chèvre)]