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Day 5: Petit or not petit ? L’étrange cas du Dr Patrick Verschueren

In La résidence day-by-day, Les sentiers de la création on 21 juillet 2012 at 12:31

« SI TU LES JOUES PETIT, C’EST TRÈS DRÔLE!»

 «NO, IT’S NOT CLEAR. IT’S TOO SMALL. »  (Patrick à Michael)

Sous une apparence des plus normales, il semblerait que notre metteur en scène dissimule une personnalité des plus inquiétantes, oscillant entre deux visages…Enquête inédite sur le Barbe-bleu du Faï!

[authentique : Patrick s’est lui-même nommé de la sorte, un jour ou de pauvres volontaires sans défense traversaient inopinément sa salle de travail pour s’en aller quérir quelques menues victuailles dans la réserve afin de nous préparer notre nourriture de ce jour. D’un rire goguenard, il referma la porte sur eux se qualifiant de « Barbe-Bleue »… L’humour cacherait-il sa vraie nature ? suspens..]

 

La poire. Et Michael.( tout de même!)

 

Michael, la victime du jour, ne sait plus sur quel pied danser : petit or not petit ? des mots ou du geste ? Il a choisi pour le Cabaret de conter un poème allemand du XIXème siècle : une histoire de poire d’après ce que j’en entends : «  la poire est précieuse, c’est comme un petit animal », « y’a que la poire qui a le droit de faire plus, elle a le droit de cabotiner », «  c’est la poire qui est importante ».  Eh ben ça promet ce cabaret ! Je vous annonce que vous allez pouvoir assister à un spectacle des plus frais et fruités..

C’est le dernier jour de boulot intensif  de la semaine pour les êtres du Faï. N’étant présente que durant la matinée, j’ai donc choisi d’attraper au vol Patrick qui, à force d’apartés, ne m’a toujours pas éclairé sur une de mes questions : ses digressions seraient-elles un moyen d’éluder la vérité ? Bref, je me retrouve prise au piège au cœur d’une de ses séances de torture : aujourd’hui, plus de « workshops » en groupe entier mais un travail individuel. Chaque numéro est passé au peigne fin afin de le développer et le préciser, le rendre concret, visuel pour signifier sans simplifier ni exagérer. Entre échanges sur le « langage de l’art » et la mise en œuvre sous mes yeux de sa vision de la pratique scénique, l’éternelle balance entre corps et esprit, langage et geste ressurgit.

Ze maestro au boulot (dans un fauteuil)

Pour lui, le théâtre possède une force supérieure aux autres arts du spectacle tels que la danse ou la musique : la parole. « On n’a jamais interdit la danse pendant la dictature. » Par contre le théâtre…La parole est moins équivoque que la danse ou la musique : elle manifeste un sens précis et ne laisse qu’une moindre place à la libre interprétation. D’où son efficacité et sa dangerosité.  Le corps n’est donc pas l’unique matière à travailler dans le spectacle.

Dans la vie, « on ne peut pas faire l’économie de la parole ».  Sans elle, il n’y aurait que surface, apparence, pas de réelle profondeur et compréhension.  Il y aura donc des MOTS dans ce Cabaret !

«  il y a un côté conteur, de celui qui aime les mots, celui qui aime le langage. «  « essaye de penser que chaque mot est merveilleux. »

Cependant les mots que conte Michael sont en allemand et ce pour un public à 95% francophone. (Bizarrement, je vous sens de plus en plus réticent au fait d’assister à ce Cabaret qui nous déclame des histoires de poire, et demande à chaque spectateur de se munir d’un dictionnaire bilingue franco-allemand !) Pas d’inquiétudes cependant, le défi de ce numéro est justement de parvenir à faire comprendre le poème sans passer par le langage.

 

« Transmettre des images. […] [P]lutôt des images que des mots. Plutôt de fortes images que du verbe inutile. »

Antoine Volodine

Toute la difficulté consiste en ce qu’il faut signifier sans simplifier, ni exagérer : signifier en jouant juste. Bon, très bien, mais comment fait-on concrètement ?

Le poème est partagé en « attitudes » (4/5) où le geste précède le dire : « il faut toujours penser au mouvement d’abord. », « je dis où je vais, c’est très simple…il faut montrer avant de dire. »

La simplicité est le mot d’ordre : « pas trop de renseignements », « le geste seulement : il est très clair », « moi je trouverais ça drôle que tu t’allonges. C’est très simple et puis c’est très beau. ».

Simplicité mais non simplification : « prends les idées un peu basiques et développe-les ensuite ».

C’est la direction suivante que semble devoir prendre la création du spectacle. Le maestro de la scène conteste en effet ma remarque enthousiaste à propos du spectacle qui me semble à moi très avancé :  « ah non là c’est pas construit du tout, là on a du matériel mais c’est pas du tout construit. C’est encore abstrait. C’est juste qu’il faut développer, préciser (…), travailler les contrastes. (…) Le visuel est très important. »

En effet, le corps revient au galop sur la scène, non contr-attaquant la parole mais venant à son aide: « montre-moi toutes les images, tactactac, il ne faut pas réfléchir. » Duo à trois donc : le corps manifestant la parole mais sans l’intermédiaire des neurones : cela semble demeurer complexe à concevoir pour notre esprit cartésien qui  affectionne particulièrement une appréhension du réel par la dichotomie (corps/esprit, réel/illusion, langage/geste, etc.).

« il faut que tu penses comme un acteur avec ton corps pas avec l’intellect, les idées viendront après » « fais les choses, ne te mets pas dans la position du spectateur »

Finalement  Mr Hyde réapparaît sournoisement par-dessous Dr Jekyll, sous couvert de l’anglais : « joue le, je veux le voir, I want to see that, do it. »

Inquiétant, ce cabaret… !

 

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Je quitte enfin l’équivoque pénombre de ces lieux, pour me réfugier côté soleil où des land-artistes aidés de volontaires préparent eux-aussi le visuel du Cabaret. Ici, on confectionne des fleurs à semer sur la scène. Là, s’échappent de bucoliques coups de marteaux et le doux tapage mélancolique d’une perceuse nécessaires à la réalisation de la scène flottante de ce dimanche prochain (espérons que les monstres des profondeurs marines du plan d’eau de Veynes se laisseront amadouer par la harpe de Babel Büech Madam et ne transformerons pas l’embarcation en radeau médusien !). Le groupe du Grundtvig Land-art s’est également divisé selon les projets d’œuvres définis et travaillent en autonomie, dispersés sur le site de leur création se mêlant aux œuvres du groupe de Jérôme.

Marketa du Grundtvig et Prescillia, volontaire tout droit venue de Mâcon-city pour apprécier la flore du Faï

Fleurs de scènes

Prescillia, fleuriste du FestiFaï

Laura, discrète mais efficace

après les jambes, les bras..

 

 

Un calme effervescent règne donc sur les lieux que je me dois malheureusement de quitter cette après-midi pour une excursion vers Veynes-city…La suite au prochain épisode donc !

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